" Black & white"

Vous trouverez en bas de page, les articles de mon blog qui peuvent être mis en relation avec ces images.

le sortilège

Au delà du noir, en deça du blanc, la lune est rousse et me surprend en pleine visite de la boîte aux couleurs que je n'utilise pas en ce moment. Je me contente de regarder les tubes écrasés. Je les aligne et me concentre. Je tire les couleurs comme on tire les cartes. Je m'applique et les mots imprimés sur les tubes me racontent des histoires.

Les couleurs ont l'odeur de la térébenthine, essentielle, évaporée tel l'esprit blanc d'un médium qui s'entête à épaissir les rêves, une alchimie où le pétrole n'est pas bleu mais incolore. Liquide à nettoyer les brosses, à rebrousse-poil-de-pinceau, où je laisse tremper mes idées jusqu'à ce qu'elles s'évaporent, jusqu'à une inspiration frisant parfois l'asphyxie.

Couleurs aux noms comme des poèmes, autant d'histoires que chaque tube renferme, et qui se mélangent ou s'applatissent comme des brutes sur la toile. Les laques de garance sont cramoisies, leur esprit white flotte dans l'air, un accent d'Arletty se substituant aux gommes arabiques inutiles car je n'aime pas les remords. Et si le gris, quand il est de payne use la mienne, bleuté, de coups meurtriers, le rouge s'écoule du bout des lèvres d'Alisarine Crimson.

Il y a aussi le titan blanchâtre délaissé sur le zinc sans comptoir, juste un vert d'eau ou de vessie.

Noir est l'ivoire du nuancier, ou bien de bougie. Le sang de mars livre une bataille sombre sur la palette, se mèle de tout, pour n'arriver à rien puisqu'il est dit qu'il n'est pas une couleur!

Terre de sienne que je fais mienne et que je brule pour un contre-jour.

Royal, ce bleu de prusse.

Pour la chair vivante, tu mélanges le rouge ou le jaune de naples à un blanc de zinc. Pour la chair vivante, tu mélanges du chaud et du froid. Pour la chair morte aussi, d'ailleurs, avec un peu de bleu royal, tout de même, pour annoblir le sang, et parfois une pointe de gris perle, contre l'oubli.

"Caput mortum", le violet sage et mystique.

Manganèse, céruleum, cinabre, phtalo, cobalt, or, oxyde de fer, nickel, quand la douleur est métalique.

Outre la mer, le jaune du soleil est permanent.

Rose quinacridonne, pour compliquer l'innocence.

Jaune auréoline pour les saints.

Pour la terre, l'ombre est brulée, parfois brune de Monsieur van Dyck.

Et tout ça s'accroche à la soie du porc, à la toile de lin, aux doigts salis.

Yellow deep ou submarine, il fait tard et je n'ai pas sommeil. Ce soir, la lune est rousse dans l'atelier et je cherche, sachant qu'il n'existe pas, un tube de couleur "pink moon".

 


"Meurtrissures"


La meurtrissure est une trace.

C'est la marque laissée sur le corps, la cicatrice d'une blessure morale ou physique.

La meurtrie possède cette trace. La meurtrie, c'est aussi celle qui est la proie du meurtrier, l'assassinée.

Ces "meurtries" là se donnent à voir, exhibent leurs stigmates, osent montrer, veulent montrer, parlent d'elles-mêmes parce que rien n'est plus authentique que de se dire, parce que rien n'est plus intéressant que l'histoire qui se lit et se laisse lire sur un visage ou sur un corps.

Parce qu'on ne peut pas entrer dans les corps, parce qu'on ne peut pas vraiment com-prendre, seulement sentir, ressentir et sentir encore l'âme des corps.

(toiles inspirées par des photos de Dorianne Wotton, Féebrile, Lilou Tournesol)

 

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